Instantané N° 13 août 2005
Sonic hedgehog
La plupart des animaux se laissent mener par le bout de leur nez tant leur flair est aiguisé. Chez l’homme en revanche, l’odorat relève plutôt d’un luxe sensoriel. Pourtant les mécanismes de la perception olfactive n’ont pas fini d’attiser la curiosité des scientifiques. Tenez-vous bien ! Le bulbe olfactif, structure cérébrale relais entre le nez et le cortex, bénéficie d’un rare privilège… celui d’accueillir chaque jour des neurones tout neufs. C’est la neurogénèse. D’où viennent ces cellules ? D’une petite région accolée aux ventricules cérébraux, la zone subventriculaire, et non du bulbe olfactif comme on pourrait se l’imaginer. Dans cette niche sont abritées des cellules bien connues : les cellules souches. Mais contrairement à celles des autres organes adultes qui assurent le renouvellement de cellules défaillantes, leur rôle dans l’olfaction reste encore à approfondir.
Néanmoins nous en savons davantage sur un point. La neurogénèse est gouvernée par des protéines. La protéine sonic hedgehog en particulier, ou SHH, y occupe une place certaine. Sa description chez l’embryon, où elle joue un rôle crucial dans le développement du cerveau, nous éclaire sur son fabuleux destin. A l’intérieur de cellules encore inconnues sa chaîne d’acides aminés est coupée en deux. S’en suit immédiatement la greffe, sur un des deux fragments, d’une molécule de cholestérol. Cette double opération est catalysée par, devinez qui, SHH elle-même ! Ainsi allégée et parée, la protéine est expulsée hors de la cellule. Commence alors sa diffusion, sous la forme d’un assemblage de six molécules SHH, vers les cellules souches. Via son interaction avec un récepteur à la surface de ces dernières, sonic hedgehog va activer des facteurs de transcription, les protéines GLI, qui à leur tour réveillent d’autres protéines directement impliquées dans la neurogénèse.
D’autres régions cérébrales peuvent-elles produire de nouveaux neurones chez l’adulte ? Et avec le concours de SHH ? Oui, sonic hedgehog n’est pas une exclusivité de l’olfaction. Cette protéine contribue également à la production de neurones dans l’hippocampe, structure cérébrale dont le rôle dans les processus de mémorisation n’est plus à prouver. Si SHH stimule l’apparition de nouveaux neurones chez l’adulte, on comprend facilement tout l’intérêt que cette protéine peut susciter. Fabriquer des neurones à volonté pour riposter aux pertes neuronales typiques de la maladie de Parkinson par exemple, avouez que cela peut faire rêver ! Vous l’aurez sans doute compris, une manière d’aborder le problème serait de décortiquer la régulation de SHH dans la neurogénèse propre à l’olfaction. Deux équipes de chercheurs, l’une genevoise dirigée par le Prof. Ariel Ruiz i Altaba et l’autre lausannoise pilotée par le Dr Alan Carleton, ont décidé de se lancer dans cette aventure et ont été récompensées pour leur projet par le prix Leenaards 2005. A suivre donc …