Instantané N° 61 novembre 2009
La protéine Menkes
Certains d’entre nous se souviennent peut-être des chaudrons en cuivre de notre enfance. Nous savions d’instinct qu’il fallait nous méfier de cette patine verdâtre qui, nous disait-on, était toxique. Paradoxalement la confiture que nous étalions sur nos tartines y était fabriquée. En effet, le cuivre est essentiel à la vie. Sans quelques traces de ce métal dans notre organisme, beaucoup de processus physiologiques ne pourraient se faire, car nombre de nos enzymes en dépendent. Toutefois, le niveau du cuivre doit être étroitement contrôlé car, à haute dose, il est toxique. Pour maintenir le niveau idéal, des pompes transmembranaires transportent le cuivre de par et d’autre de la membrane cellulaire. Une de ces pompes est la protéine associée à la maladie de Menkes, du nom d’un neurologue américain, John Menkes, qui, le premier, décrivit cette pathologie.
L’importance du cuivre dans notre organisme a été mise en évidence pour la première fois dans les années 1930. A cette époque, un vétérinaire australien décrivit des problèmes neurologiques sévères chez des agneaux provenant de troupeaux élevés sur des pâturages pauvres en cuivre. En plus d’un développement cérébral anormal, leur laine était cassante. Dans les années 70, David Danks, un pédiatre britannique, observa des symptômes analogues chez des nouveau-nés. Il fit le lien entre sa découverte et les agneaux australiens, et suspecta le manque de cuivre d’être à l’origine du problème. De son côté, John Menkes décrit minutieusement une maladie héréditaire, liée au chromosome X, chez des nourrissons de sexe masculin. Une des caractéristiques de cette maladie était la présence de cheveux torsadés. Il faudra attendre les années 1990 pour identifier le gène coupable et déterminer la séquence de la protéine incriminée.
La protéine de Menkes contrôle étroitement le taux de cuivre à l’intérieur même des cellules en le transportant à travers la membrane plasmique. Elle assure également le transport du métal de l’intestin vers le sang, puis du sang au cerveau. Un simple déficit en protéine de Menkes et c’est tout le transport du cuivre qui devient inopérant. En conséquence, les enzymes dont l’activité dépend de la présence de cuivre ne peuvent plus assurer leur fonction. Ces dysfonctionnements moléculaires provoquent l’apparition de divers symptômes parmi lesquels des désordres neurologiques sévères. C’est le côté amer de la confiture de Grand-maman.
- Menkes disease-associated protein, Homo sapien (Human) : Q04656
- Voir aussi l'article Protein Spotlight Heavy metal