Instantané N° 11 juin 2005

Récepteur cannabinoïde 2

Le cannabis est bon pour nos artères. Du moins, c’est ce que défendent les récents travaux menés par les chercheurs du laboratoire de cardiologie du Prof. François Mach, à l’université de Genève. En effet, «l’herbe stupéfiante» aurait des vertus proches de celles du vinaigre et si l’on peut détartrer les canalisations avec du vinaigre, il semblerait qu’on puisse nettoyer nos artères avec du cannabis.

Les artères - qui alimentent entre autres le cœur et le cerveau - sont le siège d’une maladie qui frappe notre époque : l’athérosclérose. Au fil des années, elles s’encrassent. Des dépôts de graisse s’accumulent inéluctablement sur leur paroi interne, comme le calcaire dans les canalisations. Le processus normal d’usure se poursuit. Alertées par les lésions associées aux plaques de graisse, les cellules immunitaires chargées de défendre l’organisme, viennent à la rescousse pour réparer les dégâts. Mais l’histoire se corse si l’on s’expose à certains facteurs de risques comme le tabac, le diabète, l’hypertension artérielle ou l’excès de cholestérol. Pourquoi ? Face à un tel acharnement envers la paroi artérielle, une inflammation persistante s’installe, marquée par un recrutement excessif des cellules de défense. Les répercussions sont sans appel : la paroi s’épaissit, le sang circule mal et c’est le risque d’accidents cardiovasculaires.

Comment agit le cannabis contre les méfaits de l’athérosclérose ? Les cannabinoïdes, composés du cannabis responsables de ses effets psychiques et physiques, ont pour cible le récepteur cannabinoïde 2 ou CB2. CB2 se localise sur les cellules immunitaires et ressemble à un tonneau enfoui dans leur membrane. Elle fait partie de la grande famille des récepteurs à sept domaines transmembranaires dont la chaîne d’acides aminés traverse, de part en part, la membrane cellulaire à sept reprises. Et où se lient les cannabinoïdes sur CB2? Dans une petite poche spécifique, définie par une poignée d’acides aminés, à la surface de la cellule.

Or, il se trouve que le principal ingrédient du cannabis - le THC – a des propriétés anti-inflammatoires. Le THC (delta-9-tétrahydrocannabinol) est en effet capable de lutter contre l’inflammation artérielle, c’est-à-dire l’amoncellement des cellules immunitaires. Dès que nos deux protagonistes entrent en contact, les cellules de défense adaptent leur comportement en conséquence et deviennent moins efficaces dans l’organisation de la réponse immunitaire. Résultat : elles ne se déplacent plus massivement vers le site à soigner et l’inflammation est par là-même contenue. Stimuler le récepteur CB2 avec le THC pourrait donc freiner l’évolution de l’athérosclérose et prévenir à terme infarctus et attaques cérébrales.

Mais attention, il n’est pas question de faire ici l’apologie du joint ! Le rôle positif de CB2 sur l’état des artères n’a été observé qu’à un dosage de THC extrêmement précis et bien plus faible que la dose absorbée par un fumeur de joint. Un dosage plus fort ou plus faible anéantit son effet bénéfique. Donc pas d’auto-médicamentation! Si stimuler le récepteur CB2 avec le THC ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques contre l’athérosclérose et ses lourdes conséquences, n’oublions pas que le cannabis est une drogue illicite et que la fumée d’un « pétard » renferme de nombreux autres composés toxiques…

  • Cannabinoid receptor 2, Homo sapiens (humain): P34972