Instantané N° 20 mars 2006

CYP1A2

Nombre d’entre nous apprécions le café. Et c’est pour cette raison que nous nous en abreuvons. Pourtant, depuis les années 70, la communauté scientifique ne cesse de nous culpabiliser en nous déroulant une liste interminable de ses possibles ravages: problèmes cardiaques, cancer de la vessie, malformations congénitales, hypertension, surpoids, réduction de la fertilité, fragilité des os. Et les adeptes du café d’arguer de ses bienfaits: qualités anti-dépressives, meilleure performance mentale, mais aussi un risque réduit pour le diabète, les cancers du foie et du colon, la maladie de Parkinson, et la maladie d’Alzheimer… Alors? Qui croire?

Lorsque l’on boit une tasse de café, on ingurgite près de deux milles entités chimiques différentes. Quant à savoir, quelle molécule exerce quel effet… mystère. Quoiqu’il en soit, nous commençons à mieux connaître l’une d’entre elles: la caféine.

Une fois ingurgitée, la caféine se retrouve dans la circulation sanguine. En temps normal, les vaisseaux sont maintenus plutôt dilatés grâce à une substance – l’adénosine. Or il est possible que la caféine contrarie la fonction de cette dernière. Par conséquent, si la caféine n’est pas efficacement éliminée, les vaisseaux tendent à devenir plus étroits et ce sont les risques cardiovasculaires qui pourraient s’accroître. Comment la caféine est-elle éliminée ? Grâce à une protéine, une enzyme du foie, qui est chargée de la dégrader: le cytochrome P4501A2, ou CYP1A2.

Malgré ce constat, il a été récemment découvert que si les effets de la caféine peuvent être nuisibles aux uns, ils ne le sont pas nécessairement pour d’autres … Comment? La réponse se trouve auprès même de CYP1A2. Toute protéine se compose d’un enchaînement d’acides aminés dicté par un gène (1). Or il est très fréquent qu’un gène existe sous plusieurs formes, qui sont distribuées dans notre population. Chacune de ces formes produit une protéine qui a la même activité mais qui présente une petite fantaisie dans le choix de ses acides aminés. En ce qui concerne la protéine CYP1A2, il existe deux formes particulièrement répandues de son gène. Les deux protéines qui en découlent dégradent la caféine, mais de manière différente. Les individus qui portent la forme CYP1A2*1F métabolisent la caféine lentement. Par conséquent, la caféine traîne plus longtemps dans leur sang, circonstance favorable aux maladies cardiovasculaires. En revanche, ceux qui portent la forme CYP1A2*1A éliminent la caféine bien plus rapidement et sont moins exposés aux accidents vasculaires.

Deux effets différents… Alors, comme on pourrait s’y attendre, deux formes de protéines différentes ? Non, les deux formes sont rigoureusement identiques, comme deux sœurs jumelles ; leur différence dans l’efficacité de l’élimination de la caféine réside uniquement au niveau du gène et non de la protéine-même. En effet, la forme CYP1A2*1A du gène produirait vraisemblablement un plus grand nombre de protéines CYP1A2, ce qui rendrait l’élimination de la caféine plus rapide. La différence s’expliquerait donc simplement par une régulation du taux de fabrication de la protéine CYP1A2 et non par une forme plus performante que l’autre.

Alors ? Devons-nous courir chez le médecin pour savoir quelle forme de CYP1A2 nous portons ? Non. Comme toujours, le message reste le même : un peu de tout ne fait pas de mal. Alors, ne vous refusez pas une tasse de café !

(1) Un gène est une portion d’ADN et contient la recette de fabrication d’une protéine.

  • Cytochrome P450 1A2, Homo sapiens (humain): P05177