Instantané N° 34 mai 2007

PreP

Notre organisme digère des aliments et produit des déchets sans cesse. Ce processus continu a lieu à tous les niveaux moléculaires. Quand nous pensons à la digestion, la première image qui nous vient à l’esprit est l’action de mettre des aliments dans notre bouche, de les mâcher, de les avaler et, en bout de chaîne, de se débarrasser des déchets. Nos bouches ne sont pas les seules à s’ouvrir et se refermer pour initier le processus de digestion. A une échelle microscopique, certaines protéines agissent de la même façon. La protéase "Presequence" – nommée PreP – est l’une d’entre elles.

La protéase PreP est localisée dans les mitochondries et les chloroplastes. Les protéines dont la présence est requise dans ces organelles y sont acheminées grâce à des peptides, appelés peptides-cibles, qui agissent comme des étiquettes d’adressage. Parvenues à destination, ces peptides-cibles sont retirés des protéines un peu comme on sépare une lettre de son enveloppe. L’inconvénient est que les enveloppes s’accumulent si on ne les jette pas. C’est là qu’intervient PreP, en dégradant les peptides-cibles qui pourraient empoisonner l’organelle.

PreP agit à la manière d’un petit aspirateur moléculaire, passif dans la reconnaissance des déchets, mais actif dès que ceux-ci parviennent dans ses entrailles. Cette protéine est un homodimère, dont les deux sous-unités sont liées et pivotent autour d’une charnière. Quand elle est inactive, la protéase flotte dans le milieu ambiant avec les "mâchoires" grandes ouvertes, prête à accueillir les peptides-cibles. Ces derniers reconnaissent un site spécifique dans la chambre intérieure auquel ils se lient. Cette liaison induit un changement de conformation dans la structure de la protéase : la chambre se referme et des acides aminés distants de plusieurs centaines de résidus se rapprochent les uns des autres pour former le site actif. C’est la "bouche" fermée que la protéase dégrade les peptides-cibles. Après digestion, le lien entre les résidus distants est probablement rompu. La cavité s’ouvre, vraisemblablement grâce à des forces électrostatiques, et les peptides digérés sont libérés.

Grâce à ses étonnantes qualités d’éboueur intracellulaire, PreP pourrait présenter un grand intérêt médical. En effet, cette protéase est capable de dégrader non seulement les peptides-cibles, mais aussi de nombreux autres peptides, comme l’amyloïde-β, dont la présence est associée à la toxicité mitochondriale et à la maladie d’Alzheimer. Ceci soulève une question : si PreP peut prendre au piège plus d’un ligand, pourrait-il commettre des erreurs et digérer un substrat inapproprié ? Apparemment pas. La taille de l’espace – créé lors de la formation de la chambre à l’intérieur de la protéase – est ajustée pour empêcher l’entrée et la dégradation de grandes molécules, comme les protéines matures. Comme nous, PreP fait la fine bouche. Vous ne voudriez pas avaler n’importe quoi, n’est-ce pas ?

  • Presequence protease 1, Arabidopsis thaliana (arabette des dames): Q9LJL3
  • Presequence protease 2, Arabidopsis thaliana (arabette des dames): Q8VY06
  • Presequence protease, Homo sapiens (humain): Q5JRX3