Instantané N° 43 février 2008

LRRTM1

Sans cerveau, nous ferions peu de chose. De même, l’architecture de notre cerveau construit ce que nous sommes. Si notre organe capital se voit altéré d’une manière ou d’une autre, on peut imaginer que notre comportement en subit les conséquences. Une aptitude qui nous est propre et nous distingue des autres animaux est l’usage que nous faisons de nos mains. Nous nous en servons depuis des millions d’années. Nos proches cousins les singes aussi, pourriez-vous rétorquer. Oui. Mais les être humains ont cela de singulier qu’ils ont une nette préférence pour leur main droite. Cette originalité ferait-elle écho à une architecture particulière de notre cerveau ? Possible. Nous connaissons aujourd’hui une protéine qui se trouve impliquée dans son développement : la LRRTM1 – de l’anglais, leucine-rich repeat transmembrane neuronal protein.

Le cerveau humain se divise en deux parties – l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit. Le côté gauche est dédié au langage et à la logique alors que le côté droit est le siège des émotions et de l’imagination. Quel rapport peut-il bien avoir avec l’usage de nos mains ? Il y a de lointaines années, nos ancêtres se sont dressés sur leurs pattes arrière probablement dans le but de libérer leurs mains pour la recherche de nourriture. Ce faisant, ils ont aussi découvert que leurs mains pouvaient les aider à communiquer. Un premier pas vers l’acquisition du langage venait d’être franchi. Puis le temps passant, la parole et le langage se sont développés en parallèle de l’évolution des capacités vocales. Les mains sont dès lors devenues libres de se consacrer à une foule d’autres tâches, exclusivement "manuelles". La naissance du langage a offert à notre espèce un atout considérable que la sélection naturelle s’est chargée de conserver au fil des générations. C’est ainsi qu’elle a sculpté le cerveau en deux hémisphères aux fonctions distinctes et a orienté les êtres humains vers l’usage de la main droite plutôt que de la main gauche. Ce phénomène est baptisé "right-shift factor", littéralement "facteur de changement vers la droite".

Finalement le "choix" de la main droite chez les êtres humains découle d’un concours de circonstances. Et ceux qui emploient plutôt leur main gauche ? L’existence des deux hémisphères confère au cerveau une structure asymétrique. Chez les gauchers, la symétrie du cerveau est modifiée voire inversée. A l’origine de ce changement se trouve en particulier LRRTM1, une protéine impliquée dans le développement du cerveau et probablement dans la communication neuronale. Les chercheurs pensent que le fait d’être gaucher est dû à un dysfonctionnement de la protéine. Cependant les êtres humains et les chimpanzés partagent une LRRTM1 identique. Et les chimpanzés ne sont pas davantage droitiers que gauchers. Par conséquent, il est bien probable que non pas une mais plusieurs protéines nous font préférer la main droite à la main gauche. N’oublions pas non plus que l’environnement, aussi, occupe une place importante dans l’adoption de l’une ou de l’autre.

Avec un rôle dans le développement du cerveau et de la communication neuronale, il n’est pas surprenant que l’on ait cherché à relier LRRTM1 à des maladies neuronales telles que la schizophrénie ou l’autisme. De la même manière, les scientifiques se demandent si le fait d’être gaucher n’indique pas une prédisposition à des troubles neuropsychiatriques. Une étude menée sur des individus schizophrènes a montré que beaucoup d’entre eux étaient gauchers. Ce genre de résultat doit être considéré avec prudence et ne signifie pas que les gauchers sont des schizophrènes potentiels. Toutefois cela suggère qu’il puisse y avoir une prédisposition génétique à certains types de troubles psychiatriques. Et si LRRTM1 est impliquée, alors la conception de nouvelles thérapies ciblant la protéine peut s’avérer précieuse.

  • LRRTM1, Homo sapiens (humain): Q96DN1