Instantané N° 51 janvier 2009

Nav1.7

Aussi pénible soit-elle, la douleur peut nous sauver la vie au même titre que l’ouïe, la vue ou l’odorat. C’est en quelque sorte un sixième sens. Si vous veniez à vous casser une jambe, la sensation qui incendie votre corps vous incitera à appeler les secours plutôt qu’à poursuivre votre jogging. Et il suffit de se brûler la main vivement une seule fois pour ensuite veiller à ce que cela ne se reproduise plus. La douleur aide un organisme endommagé à se régénérer en l’immobilisant. La mémoire d’une douleur antérieure est tout aussi cruciale puisqu’elle nous évite de répéter une expérience douloureuse qui aurait blessé notre corps. C’est pour cette raison qu’un jeune Pakistanais de 10 ans fréquentait régulièrement les urgences. Son numéro de théâtre de rue n’était pas sans risque : il marchait sur des charbons ardents. Sans aucune souffrance. Comment est-ce possible? Les scientifiques ont récemment identifié une protéine qui est à l’origine de son insensibilité à la douleur : la protéine Nav1.7.

Si les chercheurs ont mis la main sur Nav1.7, c’est en étudiant les enfants de quelques familles pakistanaises. Tous ont vécu – ou vivent encore – sans la moindre once de douleur depuis leur âge le plus tendre. En revanche ils demeurent sensibles, entre autres, au toucher, au chaud et au froid. Etonnant ? Pas vraiment puisque la perception de la douleur emprunte ses propres circuits. Elle prend naissance dans les terminaisons de neurones spécifiques, situées par exemple sur la peau, puis embrase des fibres nerveuses jusqu’au cerveau. Ce type de neurones est justement très riche en Nav1.7. La protéine forme un canal dans la membrane cellulaire. Pour que la douleur soit ressentie, le canal doit s’ouvrir et laisser passer des ions sodium. Or chez les enfants pakistanais, le canal ne s’ouvre pas suite à une altération de la protéine. Il fait alors tout simplement barrage à la transmission de la douleur, à l’image d’une porte coupe-feu.

Les rouages de la douleur sont singulièrement complexes et pourtant il suffit que la seule protéine Nav1.7 fasse défaut pour court-circuiter l’ensemble du processus. C’est une surprise totale pour les chercheurs ! Qui plus est, Nav1.7 n’est pas présente dans le cœur ni le cerveau. Un médicament qui bloquerait la protéine pourrait bien être un anti-douleur idéal avec des effets secondaires minimes. La découverte du rôle essentiel de Nav1.7 dans la douleur offre de nouveaux espoirs thérapeutiques tout en soulevant nombre de questions… est-il bon de ne jamais souffrir ?

  • Sodium channel protein type 9 subunit alpha (Nav1.7), Homo sapiens (humain): Q15858